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Heure H


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- Pas encore ! pesta-t-elle en décélérant.

- Qu’est-ce qu’il y a, maman ?

- C’est incroyable ! Peu importe l’heure à laquelle je te récupère de l’école, on se retrouve toujours coincé dans cet interminable embouteillage.

Son portable sonna. Elle décrocha.

La conversation dura quelques minutes au bout de laquelle elle finit par lâcher :

- Oui, oui, je m’en occupe. C’est moi la cheffe de pupitre après tout !

Et elle raccrocha en poussant un long soupir.

La voiture était à présent à l’arrêt complet.

D’abord la Russie qui sème la terreur en Ukraine, suivi de l’Azerbaïdjan qui martyrise les Arméniens à Nagorno-Karabakh et maintenant l’Israël qui anéantit Gaza. Et moi qui pensais que la pandémie nous avait collectivement rapprochés ? Foutaises ! Quand est-ce que cette folie cessera ? Faut-il absolument passer par la guerre pour arriver à nos fins ? Pourquoi devrait-il toujours y avoir des oppresseurs et des opprimés ? Pourqu…

- Maman ?

- Oui, Théo ?

- Qui a peint le ciel ?

- Quoi ?

- Qui a peint le ciel ?

- Personne.

- Je ne te crois pas.

- Mais, qu’est-ce qui te prend Théo ?

- Quelqu’un a peint le ciel.

- Si tu le dis.

J’en ai marre du trafic !

- Regarde là-haut, maman ! Regarde le ciel.

- Arrête de dire des bêtises, Théo.

- Je ne dis pas des bêtises ! Regarde ! Il y a même une trace de son pinceau.

La voiture était toujours à l’arrêt complet.

Elle jeta un coup d’œil rapide vers le ciel et comprit le message que son fils essayait inlassablement de lui communiquer.

Elle se retourna aussitôt vers lui.

Les yeux pleins de larmes, il lui demanda :

- Tu vois ?

- Oui, je vois Théo.

Il sécha ses larmes du revers de sa manche et colla son front sur la vitre les yeux rivés vers les nuages qui semblaient avoir été peints par un pinceau éventail.

Un silence lourd s’installa dans le véhicule.

À partir du rétroviseur central, elle l’observait avec une profonde attention. Théo ignorait tout des calamités de ce monde, et c’était peut-être mieux ainsi. Elle aurait voulu garder cette vision « Candide » elle aussi. Son fils n’a que six ans après tout et il perdra un jour ou l’autre cette naïveté qui lui permettait de percevoir tout ce qui l’entourait avec tant d’émerveillement.

Bon ! Je ne peux pas contrôler ce qui se passe ailleurs, mais je peux influencer les évènements relatifs à ma vie.

Il n’était que 16 h 30 et, selon son GPS, elle en avait encore pour une bonne heure avant d’arriver à destination.

- Et si l’on allait boire un chocolat chaud en admirant le ciel ?

- Vraiment ? Même si j’ai école demain ?

- Oui, ce n’est pas grave. Au moins, on prendra une pause de cet embouteillage et je te montrerai l’estacade du pont Champlain.

- C’est une très bonne idée, maman ! dit-il d’une voix enjouée.

Elle lui sourit à travers le rétroviseur central, mit son clignotant à droite et se dirigea vers la sortie de L’Île-des-Sœurs.

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