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Adieu matthioles




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Vêtue d’une robe grise, la fillette parcourait les différentes pièces de la maison en se faufilant entre les jambes des adultes.

Que font tous ces gens ici ? Et pourquoi ils sont tous habillés en noir ?

Elle se rapprocha de la grande table de la salle à manger que sa tante Pauline avait si bien garnie de hors-d’œuvre et de bouchées variés. Au moment où elle allait se saisir d’une mini-quiche aux épinards, elle remarqua la présence d’un bouquet de matthioles qui trônait au centre de la table.

-       Mais ce sont les fleurs préférées de mamie ! s’écria-t-elle.

Les adultes autour se turent. Certains la regardaient avec tendresse, alors que d’autres avaient les yeux embués de larmes.

La petite fille baignait dans l’incompréhension la plus totale jusqu’à ce qu’une main lui saisisse la sienne pour l’emmener loin de là, loin de ce monde qui n’était pas encore le sien.

-       Où va-t-on, maman ?

-       Dans le jardin de mamie. J’ai quelque chose à te dire.

Main dans la main, elles longeaient les rosiers si bien entretenus par mamie Thérèse.

La fillette se délectait du parfum que ces fleurs lui offraient quand sa mère brisa enfin le silence.

-       Ma chérie, j’ai quelque chose à te dire.

C’est bizarre. C’est la deuxième fois que maman me répète la même chose. Ce n’est pas un bon signe.

-       C’est quoi ?

La mère cessa de marcher et se retourna pour faire face à sa fille.

-       Tu as remarqué que ton père est très triste aujourd’hui, n’est-ce pas ?

-       Oui. C’est parce que son équipe de foot a perdu ?

-       Non.

-       Parce que vous vous êtes disputés ?

-       Non plus.

La fillette se gratta la tête.

-       Euh… Parce que je n’ai pas rangé ma chambre ?

Un franc sourire s’afficha sur le visage de la mère alors qu’elle secouait la tête.

-       Alors pourquoi il est triste ?

-       Parce que mamie nous a quittés.

-       Mais ce n’est pas grave, elle va revenir.

-       Non, ma chérie, elle ne reviendra pas.

-       Pourquoi ?

-       Elle est partie pour toujours.

-       Pour toujours ?

-       Oui.

-       Mais pourquoi ?! Elle ne nous aime plus ?

-       Non, non, bien sûr qu’elle nous aime… hum… aimait. Ce n’est pas quelque chose qu’elle pouvait contrôler. Elle… elle est morte.

Les yeux larmoyants, la fillette fixa sa mère avant d’oser lui demander :

-       Alors, je ne vais plus jamais la revoir ?

-       Non, plus jamais, répondit sa mère d’une voix tremblante en la serrant fort dans ses bras.

La fillette se mit à sangloter.

-       Pourquoi tu ne m’as pas juste dit qu’elle est morte ? Pourquoi tu m’as dit qu’elle nous a quittés ?

-       Parce que c’est quelque chose que les adultes font pour accepter plus facilement la réalité, pour la rendre plus douce et moins triste.

-       Moi je trouve que c’est n’importe quoi ! Même si tu utilises d’autres mots, la réalité reste la même.

-       Depuis quand es-tu devenue si sage, ma fille ?

-       Depuis que j’ai eu sept ans, répondit-elle en séchant ses larmes.

Elles admirèrent un instant les rosiers en silence, puis marchèrent jusqu’au patio et s’installèrent sur le canapé extérieur en osier.

La fillette se blottit contre sa mère et leva son regard vers le ciel.

-       Maman, tu crois que mamie peut nous voir de là-haut ?

-       Oui, je crois qu’elle peut nous voir jour et nuit.

Rassurée, la jeune fille sourit au ciel.

-       Est-ce que ça veut dire que les morts ne dorment pas ?

-       Quoi ?

-       Oui, s’ils nous observent tout le temps, ils ne doivent sûrement pas dormir, n’est-ce pas, maman ?

-       Peut-être bien que oui, ma chérie, peut-être… lui répondit-elle d’une voix douce en lui caressant les cheveux.

1 commentaire


Ka Bôchesne
Ka Bôchesne
03 juin 2024

Très touchant!

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