Le bien du mal
- Clothilda Naim

- 16 déc. 2023
- 3 min de lecture

Un bar situé au milieu de nulle part, éclairé par l’unique lampadaire du village, accueillait une femme vêtue d’une tunique bleu ciel.
Au moment où elle traversa la porte principale, des regards inquiets se posèrent sur elle.
Tous avaient les yeux rivés sur cette inconnue hormis une femme assise autour d’une petite table ronde au fond à gauche.
Elle aussi était vêtue d’une tunique bleu ciel.
La chanson World on fire de Dolly Parton faisait vibrer les deux enceintes acoustiques du bar, alors que la nouvelle venue se rapprochait de la table.
- Bonsoir, Éris.
- Bonsoir, Eiréné, répondit-elle en prenant place face à elle.
Eiréné claqua des doigts et un serveur se précipita vers elles un plateau dans les mains. Sans prononcer le moindre son, il posa deux verres à vin vides, une carafe d’eau, et s’éclipsa.
- Avant d’entamer notre conversation, j’ai besoin de valider ton identité. J’espère que tu n’y vois aucun inconvénient.
- Pas du tout Eiréné. Pas du tout.
Sur ces mots, Éris saisit la carafe et remplit les deux verres à ras bord. Ensuite, elle sortit un rubis de sa bouche et le déposa dans son verre.
Au contact avec l’eau le rubis se désintégra et se dissolut rapidement faisant virer le liquide transparent au rouge.
- À ton tour.
Sans hésiter, Eiréné sortit un quartz de sa bouche qu’elle plaça dans son verre.
Une réaction d’effervescence se produisit immédiatement et l’eau vira au blanc.
Satisfaites du résultat, Éris et Eiréné levèrent leur verre.
- Cul sec ! s’écria Éris.
- On ne trinque pas d’abord ?
- On ne se connait même pas.
- Et après ?
Éris avait soif et n’avait guère envie de tergiverser.
- Bon, bon, d’accord.
Elles trinquèrent fort au point où une petite goutte blanche se mélangea au liquide rouge et burent leur verre d’un trait.
- Passons aux choses sérieuses à présent, affirma Eiréné. Si nous nous sommes retrouvées ici ce soir c’est pour une raison précise.
- C’est toi qui m’as convoqué, alors je t’écoute.
- Ça ne peut plus continuer ainsi, Éris. Les humains sont fatigués d’être en perpétuelles discordes.
- Non.
- Quoi, non ?
- Non, ils ne le sont pas. Au contraire, certains se plaisent à vivre de cette manière et à voir les autres endurés des atrocités grâce à eux.
- Mais ne trouves-tu pas qu’il y a un déséquilibre de force en ce moment et qu’une grande majorité souffre ?
Éris éclata de rire.
- Tu es née de la dernière pluie ou quoi ? Ça a TOUJOURS été le cas.
- Eh bien, ça s’arrête ici et maintenant !
- Ah bon ? Et est-ce TOI qui vas m’empêcher d’agir ? Sache que tu ne me fais pas peur ! Et puis, j’ai l’appui de mon frère et de mes enfants.
- Et moi, j’ai le soutien de ma mère et de mes sœurs. Et je peux te dire que c’est bien la première fois que je les vois aussi déterminées. As-tu déjà été témoin de femmes au front ? Sais-tu qu’elles luttent jusqu’à ce que justice soit faite ? Sais-tu qu’elles n’abandonnent jamais ?
- Paroles et paroles et paroles.
- Écoute-moi.
- Paroles et paroles et paroles.
- Ne me sous-estime pas !
- Paroles et paroles et paroles.
- Je te promets que c’est la fin.
- Paroles et paroles et paroles et encore des paroles que tu sèmes au vent.
Eiréné se leva si subitement qu’Éris n’eut pas le temps de réagir.
Les clients du bar déguerpirent sur le champ.
- Trois, deux, un.
Elle claqua des doigts.
- Qui es-tu ? Qui suis-je ? demanda la femme assise.
- Je suis paix. Tu es harmonie. Ensemble, nous allons changer le monde.



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